Ce poème de Jean-Julien Danglon, intitulé Visite en métempsychose, nous plonge dans une expérience de transformation radicale, où le narrateur adopte la condition du “pourceau” et trouve dans cette métamorphose une libération profonde. Le titre même, évoquant le concept de métempsychose, suggère une immersion dans l’âme animale, où la conscience humaine s’efface pour embrasser une existence plus primitive, instinctive et pacifiée.
Les premiers vers, où “les doigts s’enfoncent dans la boue odorante,” incarnent un acte de retour à la nature, de fusion intime avec la terre. La boue devient ici une substance sacrée, symbole de la matière primordiale, et cet enfoncement, un geste libérateur qui délivre le narrateur des attaches humaines. La phrase “Pourceau je suis” souligne cette identification absolue au monde porcin, que l’on pourrait interpréter comme une satire des comportements humains, ou encore comme une volonté de transcender les complexités et violences de la société humaine.
L’onomatopée du “grouin remuant, grognant” enrichit cette image immersive en intégrant un langage plus brut, instinctif, qui se fond dans les sensations et les sons du règne animal. Le narrateur évoque ses “nouveaux frères,” ses “congénères” aux “pattes ouvertes,” lesquels symbolisent une société alternative, dépouillée de toute hiérarchie, violence ou ambition de conquête. Cette fraternité animale devient un refuge, un idéal de vie, une communauté où l’entraide et l’instinct remplacent la compétition humaine.
L’image de “mordre les troncs d’arbres” et de “creuser cette terre admirable” exprime une jouissance intense, presque sacrée, d’un retour aux plaisirs simples et originels. Ici, chaque acte devient une célébration de la liberté et de la simplicité, évoquant un état d’extase mystique. Cette révolte contre l’ordre humain trouve son aboutissement dans cette “fierté jubilatoire” du “groin,” symbole ici de dignité et d’acceptation totale de sa nouvelle condition. Le narrateur, en contemplant cette transformation, nous invite à reconsidérer la notion de sagesse, non plus comme une élévation intellectuelle, mais comme une plongée dans la plénitude d’un monde instinctif.
Les derniers vers font de cette vie porcine une véritable “hymne à la liberté.” La phrase “Je reste animal” ancre le narrateur dans cette dualité où la sagesse et la bestialité se rejoignent, loin des contraintes et artifices humains. Danglon propose ainsi une vision poétique et philosophique qui interpelle le lecteur : en quittant l’humanité, le narrateur accède à une forme de vérité profonde et apaisante, où l'âme, libérée, trouve son équilibre.
Visite en métempsychose peut donc être lu comme une critique de la société humaine, où la violence et la hiérarchie étouffent l'individualité. En adoptant l’identité du pourceau, Danglon met en lumière un appel universel à la simplicité, à la liberté et à une harmonie instinctive avec le monde naturel, redéfiniss ainsi la sagesse sous un angle profondément subversif.